L'équicie

L’équicie, une pratique

L’équicie est une pratique, un moyen qui s’adresse à toutes les personnes atteintes d’une déficience, d’un handicap (moteur, mental, sensoriel et/ou social), d’un polyhandicap, d’une souffrance passagère ou durable. Elle n’a pas vocation de soin au sens médical du terme. C’est une alternative ou un complément au soin ou à l’éducation. C’est un moyen d’aider quelqu’un à s’aider.

L’équicie est une démarche d’accompagnement dans laquelle le cheval a une place de coéquipier « éclairant ». Le fondement de l’équicie est d’étudier, de connaître et de décoder les comportements de l’équidé. C’est la relation inter-espèces qui éclaire l’ensemble des situations.

L’équicien a des connaissances en anatomie et en physiologie (sans être médecin), en psychologie (sans être psychologue), et en éthologie humaine et animale (sans être éthologiste)… L’équicien puise, dans des domaines spécifiques, des connaissances indispensables à sa pratique. Il croise ainsi, comme principaux métiers : médecin, kinésithérapeute, infirmier, psychologue, psychothérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, éducateur spécialisé, moniteur d’équitation, assistant social, comptable, secrétaire…

Ces compétences sont complémentaires et indispensables au métier d’équicien. La transdisciplinarité a ceci d’intéressant qu’elle donne une vision transversale des possibilités d’action, et qu’elle permet au professionnel de se représenter la démarche du prescripteur quel que soit son champ d’application. C’est grâce à ces différentes facettes qu’il peut interagir dans des conditions ajustées et rendre des comptes en fonction de la commande.

L’éthique du métier d’équicien

L’éthique est un ensemble de règles sur lesquelles l’individu s’appuie pour guider ses choix et ses actes. C’est un code moral, un code de valeurs défini par la culture, le milieu, le groupe, le clan, la famille, la bande, le champ professionnel… Chaque groupe a, de manière plus ou moins formelle, plus ou moins consciente, des valeurs auxquelles il croit. Même les « jeunes » qui, abandonnés par les adultes, se regroupent en bande définissent leur système de valeurs. Un membre du groupe qui n’adhère pas à ces valeurs ne peut faire partie de ce groupe. L’éthique fait émerger le sentiment d’appartenance.

L’humain est un mammifère social qui a besoin d’autrui pour exister. Il est souvent important de se reconnaître des signes d’appartenance jusque dans la tenue vestimentaire, la coiffure, la marque, selon les milieux, les groupes, les tranches d’âge. Bien souvent, nous nous dirigeons vers un groupe social par reconnaissance non consciente de ce sentiment d’appartenance. L’adhésion à une association est motivée par les valeurs auxquelles nous croyons, et qui nous guident sur le chemin de notre vie.

Avec les personnes
L’équicien contribue à créer les conditions pour que les enfants, les adultes, les familles et les groupes avec lesquels il travaille voient leurs droits respectés, aient les moyens d’être acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie.

Avec les équidés
Garant du bien-être animal, l’équicien est guidé par des connaissances vérifiées sur les comportements du cheval. Il invite celui-ci à vivre au plus près de ses besoins naturels en groupe social intra-espèces. Il en fait son coéquipier et tient compte de ce qu’il exprime. Il établit et conserve une relation positive avec l’animal et ce, du point de vue de l’équidé. Pour cela, il entretient le plaisir de l’animal à coopérer avec l’humain. Il met ou remet en place les apprentissages dont l’équidé a besoin et repère les situations dans lesquelles celui-ci engrange des mémoires négatives afin de les transformer en mémoires positives.

Fondement des valeurs de l’équicie
L’éthique de l’équicien se fonde sur trois grands courants de pensée.

a. Le courant philosophique de la médiation
En s’appuyant sur la maïeutique telle que Socrate la définit, l’équicie a pour principal objet de partir des capacités de la personne et de mettre en valeur ce que la personne ne sait pas qu’elle sait.

b. Le courant humaniste de la psychologie à travers Carl Rogers et Abraham Maslow.
En équicie, la rencontre entre la personne et le cheval passe par l’expérience. C’est la personne et le cheval qui nous guident, tout part de leur comportement. L’équicien apprend à « com-prendre » (au sens premier de « prendre avec ») et à accepter l’autre tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il soit. La personne est nommée « client » ou « passager » quand elle est portée, et le cheval « coéquipier ». (Je préfère ce terme à celui, maintenant galvaudé, de « partenaire ».)

c. Le courant éthologique
Il apprend à l’équicien à rencontrer la représentation du monde de l’autre par l’observation et l’étude du comportement, que cet autre soit personne ou cheval.

d. Le courant pédagogique
Il s’appuie sur les pédagogies nouvelles initiées par Rudolf Steiner, Maria Montessori et Célestin Freinet. Le point commun de ces trois penseurs qui guide l’équicien tout au long de sa pratique, c’est le learning by doing (« apprendre en faisant ») de John Dewey : c’est partir des capacités de l’individu et de l’observation de ses actions.

Socrate : « Mon art de maïeutique a mêmes attributions générales que le leur [celui des sages-femmes]. La différence est qu’il délivre les Hommes et non les femmes, et que c’est les âmes qu’il surveille en leur travail d’enfantement, non point les corps » (Platon, Théétète).

Célestin Freinet : « À l’origine de toute conquête, il y a, non la connaissance, qui ne vient normalement qu’en fonction des nécessités de la vie, mais l’expérience, l’exercice et le travail. »

Maria Montessori : « Les enfants déficients ne sont pas des hors-la-loi, ils ont des droits. Ils ont droit à tous les bienfaits de l’instruction. Nous devons permettre à ces malheureux de se réintégrer dans la société, de conquérir leur place et leur indépendance dans un monde civilisé, retrouvant ainsi leur dignité d’être humain. »

L’équicie, c’est le « pari » que, grâce à l’établissement d’une relation avec l’équidé, la personne puisse mobiliser des compétences qui l’aident à s’épanouir et à vivre en harmonie avec son environnement social.

Se fondant sur ces valeurs fondamentales, l’équicien est dans le questionnement permanent. Il ne peut être dans la certitude, il avance avec le présent. Il n’impose pas, il propose.

Déontologie

Mettre en place un code de déontologie, c’est définir les droits et les devoirs de l’équicien, c’est reconnaître l’exercice d’un métier commun. Le professionnel doit être repérable par la manière dont il conduit son travail en conformité avec son titre. Que ce soit au nord ou au sud, à l’est ou à l’ouest, un équicien procède avec les mêmes prérogatives.

– Il est responsable de l’activité des personnes, du cheval et du ou des accompagnants.

– Il suit la méthodologie de l’accompagnement à projet de l’action sociale. Par la connaissance qu’il a des pathologies et du développement de la personne, il propose des étapes dans l’accompagnement avec le cheval et met en place des moyens adaptés aux différentes situations.

– Il appuie son travail sur une observation fine, descriptive et rigoureuse du cheval et de la personne. Il s’intéresse aux faits et ne se fie pas aux sensations, aux impressions, à sa subjectivité.

– Il met à disposition, avec le cheval comme coéquipier, des moyens en regard d’objectifs concrets et vérifiables. Il s’appuie sur des indicateurs d’apprentissages et comportementaux précis en vue d’une évaluation rigoureuse permettant de réactualiser les objectifs initiés.

Il rend des comptes au prescripteur au moyen d’évaluations mesurables, quantifiables et qualifiables.

Il conduit des actions individualisées, que les situations soient individuelles ou en groupe.

Il définit le cadre physique, géographique et psychique avec les différents intervenants, il garantit l’unité de temps, de lieu, d’animal (la personne travaille toujours avec le même cheval d’une séance à l’autre).

Il ne laisse jamais un client seul avec un cheval, quelle que soit la situation.

Le ratio d’accompagnant des chevaux est de un pour un. Si l’équicien est seul, il prend un cheval ; s’il bénéficie d’accompagnants, il peut prendre autant de chevaux que d’accompagnants sachant tenir un cheval.

Lors des situations de portage, le cheval est tenu soit en longe courte, soit en longe longue. L’équicien conduit la majorité des déplacements avec le cheval au pas.

Il est garant de l’état sanitaire et mental des animaux avant, pendant et après les séances.

Il garantit la sécurité des personnes et des animaux.

Dans toutes les situations, le cheval doit être ménagé et particulièrement lors de l’utilisation d’un montoir. Tout promontoire est interdit pour la descente, et celle-ci doit être accompagnée.

L’équicien se tient au courant de l’évolution des pratiques. Il actualise régulièrement ses connaissances.

À la croisée de deux univers professionnels
L’équicien est un acteur, un promoteur du lien social, sa spécificité est liée à la présence des équidés à la croisée de deux univers professionnels : la filière équine et le secteur médico-social.